6. La topologie

 

Etrangement, la déconstruction topologique du nœud et son mouvement produisent le même dessin. Avant tout, c’est la topologie qui permet de transformer une apparence et de relier ensemble de nombreuses images apparemment différentes.

A la Renaissance les peintres, maîtres de la perspective, étaient appelés géomètres. Aujourd’hui la géométrie qui permet d’explorer de nouveaux domaines est la topologie, on la retrouve liée à l’ADN, à la physique quantique, puis à la théorie des cordes. On la retrouve avec la théorie des catastrophes et même en psychologie avec Lacan, qui a emprunté le nœud borroméen comme modèle de la psyché. Si la perspective rendait plus réels et proches les dieux comme figures de l’invisible, la topologie permet de découvrir l’invisible dans des figures concrètes.

La topologie est la géométrie des lieux, des réseaux, des nœuds, des relations. « La géométrie avec un twist.» La topologie est en fait la base de la science des liens dont Giordano Bruno disait qu’elle constitue la magie. En se référant à notre travail, on notera qu’elle est aussi la science des parcours1 créant des liens entre les lieux, c’est elle qui a présidé au parcours mental menant des jeux de ficelle à la Khora. Comme il est très malaisé de se figurer la relation entre l’intérieur et l’extérieur dans la vie courante, on a besoin de modèle. C’est ce que peut offrir la topologie. Dans le cas qui nous occupe, avec le dédoublement du nœud, on rentre dans le monde de l’entre-deux ; il est alors inévitable de la retrouver dans l’art pour figurer ce qui se situe entre l’idée et les sens, entre l’intérieur et l’extérieur, entre le visible et l’invisible. Avec la topologie, on a une géométrie qui correspond à ce que propose Merleau-Ponty pour subvenir à une approche phénoménologique : « Remplacer les notions de concept, idée, esprit, représentation par les notions de dimensions, articulation, niveau, charnière, pivots, configuration.» Il faut ajouter que cette topologie telle qu’elle se trouve liée à des symboles devient mathèse. Comme la définit Deleuze2 « La mathèse est ni une science ni une philosophie. C’est quelque chose d’autre : une connaissance de la vie….La mathèse se situe sur un plan où la vie de la connaissance est identique à la connaissance de la vie ; c’est simplement une prise de conscience de la vie »

En peignant des nœuds et des entrelacs on produit une version moderne de certains anciens arts et tout particulièrement celui des Celtes. On doit se demander quelle relation existait entre cet art et la religion (ce qui relie) ou le système de croyances des Celtes. Actuellement, chaque différente sorte de nœud ou d'entrelac pourrait représenter une différente sorte de relation. La topologie moderne pourrait aider à explorer cet ancien système .

La construction du labyrinthe présente un paradoxe. Le fait que le nœud soit ouvert et dédoublé ouvre une quatrième dimension, mais celle-ci n’apparaît plus lorsqu’on cartographie le parcours du nœud autour d’une orbite. La quatrième dimension devient celle du temps (voir 2 Construction du labyrinthe). Comme l’invisible, cette quatrième dimension n’est plus quelque chose d’ajouté, mais comme la découverte d’un regard intérieur plus perçant et plus continu ou comme la perception d’une harmonique.

La topologie révèle que le nœud (symbole du tout) est contenu ou enfermé dans un tore (fig. 58). Nous vivrions alors ignorants comme les habitants de la caverne de Platon, nous vivrions selon ce modèle dans un espace circulaire, clos et percé, un volume comme un pneu. Nous tournerions toujours autour d’un inconnu qui nous dépasse. On peut alors se demander (si possible tout en dessinant) si accompagnant le mouvement du nœud, le tore peut se renverser ou se fermer sur lui-même et si le labyrinthe donne accès à ce trou qui perce notre monde.

 

n°58 Modèle du noeud inscrit dans un tore

 

1 La topologie a en effet débuté avec le problème posé par les ponts de Koenigsberg
2 Le texte de Deleuze apparaît comme introduction à Jean Malfatti de Montereggio (Etudes sur la mathèse ou anarchie et hiérarchie de la science.)

 

 


 


n°52 Dessins pour la balle de tennis coupée

 

 

n°53 Dessins pour la balle de tennis coupée

 

n°54 Esquisse pour le labyrinthe

 

n°55 Esquisse pour le labyrinthe

n°56 Trois labyrinthes joints

 

n°57 Labyrinthe dans des noeuds entremélés