n° 17 Jeux de ficelle déconstruit
n° 18 Jeux de ficelle déconstruit
n°19 Jeux de ficelle déconstruit
n°20 Jeux de ficelle déconstruit
n°21 Eros et Thanatos
n°22 Under the volcano
Jeux de ficelle
3a Les jeux de ficelle (ou ce qui m’a conduit au labyrinthe)
« Seul celui qui perçoit dans les choses les plus modernes et les plus récentes les indices ou la signature de l’archaïsme peut être un contemporain. » Giorgio Agamben
Au départ, ce sont les jeux de ficelle qui m’ont ouvert la voie du labyrinthe, et c’est eux que l’on retrouve à la fin comme modèles de images dans la Khora. Ils jouent donc ici un rôle important et il convient de les interroger.
Fig. G
J’ai toujours eu l’impression que les jeux de ficelle, cat’s cradle en anglais, représentaient mieux les choses indiquées par leur titre que le faisaient les images copiant leur apparence. Apparence étant presque synonyme d’illusion.
S’agissait-il simplement d’un jeu comme l’origami ou les ombres chinoises consistant à reproduire une silhouette à partir d’un rond de ficelle ? Graduellement, j’ai réalisé que, plus qu’une apparence, l’objet en soi consistait en un nœud de propriétés et un ensemble de relations. Le jeu de ficelle représentait-il la prise de conscience de l’objet ainsi conçu ou encore l’existence de l’objet nouée à partir de ses préliminaires? Mais était-ce le mouvement des doigts formant et croisant des boucles ou le parcours du fil dans le nœud final qui représentait la prise de conscience de l’objet ?
Une interprétation possible du jeu de ficelle est offerte par une remarquable description de la démarche de l’artiste par Merleau-Ponty : « Etant donné des organismes, des objets ou fragments d’objets qui existent dans son entourage, chacun en son lie et cependant sont parcourus et reliés en surface par un réseau de vecteurs, en épaisseur par un foisonnement de lignes de forces, le peintre jette le poisson et garde le filet. Son regard s’approprie des correspondances, des questions et des réponses qui ne sont dans le monde qu’indiquées sourdement et toujours étouffées par la stupeur des objets, il les désinvestit, les délivre et leur cherche un corps plus agile. » S’il y avait deux sortes d’images, une représentation de la chose en soi et une imitant son apparence, laquelle était plus authentique et quel rapport y avait-il entre elles?
Encore plus important que de résoudre ce dilemme, il fallait m’assurer de ce que j’étais capable de vraiment croire et de quelle était ma foi perceptive. Inspiré par la suggestion de Levi-Strauss que la structure des jeux de ficelle était semblable à celle du mythe, je décidai de les déconstruire comme il avait fait avec les mythes. Je trouvai ainsi une sorte de contenu du jeu de ficelle, mais ce contenu n’était pas encore le fond exprimé par la forme. C’est seulement après un long parcours et avec l’image de la Khora que j’ai enfin saisi leur signification symbolique et l’idée que les jeux de ficelle sont bien les modèles des images de la création (voir 8 Khora).
n° 23 Est-ce qu'il meuh ? Jeux de ficelle n°24 Pink panther, Jeux de ficelle
3b. La balle de tennis coupée (et la pelote d’Ariane)
« En ces tristes temps dans lesquels notre peuple est plongé, nous courons après la balle, et certains n’essaient même pas de la saisir ; et je pleure quand j’y pense. Mais je sais que bientôt la balle sera prise, car la fin approche rapidement, et alors elle sera replacée au centre, et avec elle sera notre peuple. C’est ma prière qu’il en soit ainsi. » Wapiti noir. Homme-médecine sioux
De nombreux dessins de l’art premier appartenant à diverses cultures sont très semblables à ceux que produisent les jeux de ficelle.
n°28 Fig. H schémas autres que jeux de ficelle1
Aux Nouvelles Hébrides, sur l’île de Malekula, beaucoup de ces dessins sont aussi des dédales, mais cette fois ils sont destinés aux morts. Lorsque l’âme du mort se présente à l’entrée de l’autre monde, elle se retrouve devant un de ces dessins, une féroce gardienne en efface la moitié, et c’est seulement en recomposant cette moitié que le mort peut suivre l’axe du dessin vers une île paradisiaque. A l’opposé du labyrinthe crétois, c’est maintenant l’axe qui représente le chemin du labyrinthe.
Dans un de ces dessins(fig.I), je me suis amusé à reconnaître une balle de tennis, le dessin représente alors le tracé de la balle déviée en même temps par l’effet qui lui est donné lorsqu’elle est coupée et par des perspectives variées obtenues par le joueur contournant la balle (voir 4 Mouvement).
Fig. I
En déconstruisant le dessin comme on l’a fait pour le nœud, on trouve d’autres parcours qui peuvent à leur tour suggérer d’autres images que le joueur associerait à la qualité de la frappe sur la balle. Comme pour le parcours du jeu de ficelle il semblerait qu’en cernant le joueur ou un objet, la balle esquisse sa silhouette. Suggère-on ainsi le paysage intérieur du joueur de tennis passionné ? Le tableau évoque plutôt un état intermédiaire et l’échange d’images nécessaire pour passer d’une vision contemporaine à celle appartenant à un monde archaïque avec l’importance qu’il accorde aux totems. On peut se demander quelle est cette balle dont parle Wapiti noir ? Comme peintre, j’ai parfois eu l’impression d’être utilisé et aguiché et de me conduire comme un chien courant sans retenue après une baballe continuellement relancée. Cette balle est peut-être la pelote d’Ariane, symbolisant le lien unissant toute chose ; mais qui lance la balle?
Lorsque la balle tourne, la couture de la balle représentée double peut aussi former un nœud. On peut alors comparer son dessin avec celui du nœud dans le labyrinthe. On peut finalement transformer le nœud ou la balle en une pelote d’Ariane se déroulant dans le dédale pour montrer le chemin à Thésée. ( fig.31). Ainsi on découvre, sans souci des distances, une multitude de liens sur lesquels reposait un savoir ancien dépendant d’un penser par formes.
En décrivant ce contenu ou plutôt en choisissant un aspect de ce contenu qui est un tout, j’ai le sentiment gênant de déflorer les tableaux et de trahir un secret qui est comme leur visage intime. « Mais ce qui compte n’est plus le sens manifeste de chaque mot et de chaque image mais les rapports latéraux, les parentés, qui sont impliqués dans leur virements et leurs échange »2. L’art se doit de contribuer à enrichir ces échanges, cette « articulation qui est l’être de tout être »3 et ici les mots ont pour but de préparer et d’alimenter une théorie de l’image qui puisse entrer dans cette perspective.
1 Tous ces schémas sont de la même famille parce qu’en topologie un nœud peut être transformé en un système d’anneaux, une concaténation équivalente
2 Merleau-Ponty Le Visible et l’invisible , p. 164.
3 Le Visible et l’invisible.
n°29 La balle comme le joueur
n° 30 Comme une odalisque voilée
n°31 Comme la pelote d'Arianne dans le dédale
n°32 n°33 n°34
32 : La matrice
33 : Comme Hecate
34 : Comme Icare canard
n°35 Federer
n°36 Comme un dragon
n°37 L'ombre de la balle coupée et son double